jeudi 7 février 2008

Panic Piano...

... Ou comment improviser sur une préparation qui part en vrille.

La plus grande ennemie du cuisinaillon est la précipitation. Elle fait s'accumuler les contretemps, surtout si l'on n'a pas réfléchi avant. Je pars avec l'idée : patates sautées aux cèpes et côte de boeuf à l'os sur fonte.

Étape un, faire les courses, attendre trois plombes à l'une des trois caisses ouvertes. Arrivé à la maison, ouvrir ce petit ventoux à trois francs six sous, le goûter pour éviter l'accident.

- "... C'est comment votre nom?"

Rien de bien compliqué en soi, sauf qu'après avoir pelé et coupé les patates, décongelé les cèpes et haché ail et persil, il me faut une entrée. Un pâté de foie de volaille maison accompagné d'oignon frais croque-au-sel fera l'affaire. Au passage, les oignons sont trop raides sous la dent, en ouvrir plusieurs et récupérer uniquement le coeur.

- "... Donc on est bien rue Jules verne... Non non, c'est moi qui me suis trompée..."

Quand une idée me vient, une truffe noire toute fraîche embaume le réfrigérateur, enfin, pas très fraîche car elle date d'au-moins dix jours. Il est temps de l'utiliser avant qu'elle ne se recouvre de moisissure. Je râpe donc ma truffe sur le pâté, ni trop, ni trop peu. Il me reste plus de la moitié de ce diamant noir, je pense alors à mes patates, accueilleraient-elles le restant de truffe, cela ne fera-t-il pas trop "champignon" avec les cèpes? Je me souviens alors d'une autre préparation, magrets de canard macérés aux cèpes sur lesquels j'avais râpé un restant de truffe voici presque un mois. Si la truffe se perdait un peu, elle soutenait étrangement le parfum des cèpes, comme s'il se dégageait une sorte d'essence particulière plutôt. Allez, c'est décidé, mes patates aux cèpes fristouillées dans la graisse de canard hériteront de cette étrange langueur.

- "... Vous êtes né où?.."

Mais voilà, que vais-je faire de ma persillade, il est maintenant hors de question que je l'ajoute aux patates au risque de détruire radicalement l'association précédemment supposée.

- "... Ça s'écrit comment?.."

Vous vous doutez bien qu'au cours de ces réflexions hautement aristocratico-culinaires les patates sont déjà joliment dorées et les cèpes légèrement grillés dans une autre poële les rejoignent. La côte, elle, vient de subir un retournement radical pour fin de cuisson.

- "... Quelle surface vous me dites?"

J'agrémente donc la poëlée avec la truffe, le parfum qui soudain s'en dégage est enivrant. Je coupe la côte sur une planche en bois passablement culottée, je déglace la plaque en fonte avec un peu d'eau, laisse refroidir puis y balance une poignée de persillade avant de verser le tout sur la viande.

- "... Au-revoir m'sieurs-dames, merci encore et bon appétit!"

Voilà comment on se retrouve à cuisiner avec des invités ayant un train à prendre tout en répondant aux questions d'une agent du recensement. J'ai connu manières plus calmes d'oeuvrer.

Conclusion, tout le monde s'est régalé au point que rien n'est resté, jusqu'au ventoux au goût de fût si vivant ayant eu la politesse de ne pas heurter l'ensemble. La cuisine est comme bien des choses, souvent un merveilleux hasard de circonstance.

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